"La Pioutte" 

Je l’ai trouvée sur la route, toute petite, à peine couverte de quelques plumes. Cette jeune merlette était tombée du nid, et avec le chat des voisins rôdant dans les environs, je savais qu’elle ne survivrait pas à la nuit. Je l’ai recueillie et élevée pendant deux mois et demi, jusqu’à ce qu’elle devienne une magnifique oiselle, indépendante et pleine d’énergie.

Pour la nourrir, je comptais sur les nombreux vers de terre que je trouvais dans le compost. Les premiers jours, elle réclamait sa nourriture toutes les trente minutes, du lever au coucher du soleil. Elle avalait des quantités impressionnantes. Puis, au fil des semaines, les repas se sont espacés mais devenaient plus consistants. Assister à son tout premier envol fut un moment d’émotion intense. Il a ensuite fallu lui apprendre à chercher sa nourriture seule — ce qu’elle a très vite fait, guidée par son instinct.

Elle s’appelait La Pioutte. Sous notre toit, elle a cohabité sans problème avec Tchuck, mon chien, et Bounty, mon chat. Une période inoubliable, pleine de souvenirs tendres et d’enseignements.

En me renseignant, j’ai découvert que les jeunes merles quittent souvent le nid très tôt, dès qu’ils commencent à être trop à l’étroit. Ils se retrouvent alors au sol, encore maladroits, et doivent se cacher pour échapper aux prédateurs. Les parents, eux, continuent de les nourrir au sol. C’est pourquoi, sauf danger immédiat, il ne faut généralement pas ramasser un oisillon : la nature suit son cours.

Ce n’était pas la première fois que je vivais une telle aventure. Maya, une jeune pie, avait partagé ma vie pendant presque trois mois. Des années plus tard, j’ai aussi recueilli Pilou, un autre petit merle rescapé de justesse des griffes du chat du voisin.